je poursuis avec d'autres extraits qui ont retenu mon attention.
(Au restaurant) L'homme me regarde un instant d'un air dubitatif, puis lâche, agacé : "Végétarien ? C'est quoi ça ?". Aïe ! Je le sens, j'ai insulté le bon goût culinaire français. Je suis un barbare. Un bizarre. Un pas normal.Dire qu'on ne mange pas de viande étonne toujours. C'est "bizarre". On ne sait pas ce qui est bon, parce que c'est vrai, les plats de la gastronomie (française) sont tous des plats à base de viande ou de produits laitiers. Et ne plus manger de viande, c'est renier la tradition culinaire française, voire renier la culture française !
Je vis au Japon mais je suis quotidiennement immergée dans la communauté internationale de mon quartier via l'école des enfants. Et quand on me demande si je "cuisine français", ça m'est difficile de dire oui ! On s'attend à ce que je parle quiche lorraine, roti de bœuf, gratin dauphinois...
[...] quelque part, le fait de ne pas manger de viande suggère que ce que font les autres est mal ou mauvais, et cela atteint les gens à un niveau personnel. Si quelqu'un est assis à côté de vous en train de manger un steak et qu'il vous regarde manger de la polenta, il va penser que vous êtes en train de lui faire la morale ou que vous essayez d'une certaine façon de le convertir. [...] "Lequel de nous deux a tort ?".C'est incroyable comme cela me parle.
Parce que c'est vrai, je trouve qu'il est moralement mieux (pour la planète, pour les animaux) de ne pas manger de viande. Sinon je n'aurais pas fait ce choix héhé. Mais je sais que de l'autre côté, mes proches (famille, amis) pensent que je les juge puisqu'ils mangent de la viande.
Ma position n'est donc pas facile : assumer mes convictions personnelles sans toutefois donner l'impression d'être intolérante. Je fais tout ce que je peux, mais je crois aussi qu'au fond d'eux-mêmes, les gens ne peuvent pas s'empêcher de s'interroger sur leurs propres choix. Donc même si je respecte le choix de chacun, mes proches se sentent jugés. Parce qu'ils savent tout ce qu'il y a derrière leur tranche de jambon (comment peut-on le nier aujourd'hui ?).
Le simple fait que j'aie changé d'alimentation soulève des interrogations en eux-mêmes, provoque des remises en question. Mais je ne peux pas assumer la responsabilité de ces remises en question.
Je crois que le plus difficile pour nos familles à Takaya et moi, c'est que Mathurin ait lui-même décidé de "ne plus manger les animaux". Ça remue encore plus la conscience d'un adulte quand ça vient d'un gamin de 11 ans.
Choisir ce que l'on mange, ce n'est pas juste suivre son goût ou son humeur : c'est faire un choix de société.Être végétarien ou végétalien, c'est un engagement. Certains défilent dans la rue, nous nous contentons de faire nos choix de consommation et c'est déjà pas mal.
J'entends souvent que de nos jours, nous n'avons plus le choix de ce que nous mettons dans nos assiettes. C'est faux et totalement faux, c'est seulement une justification lâche pour s'éviter les complications : si ce qu'on vous propose au supermarché ne vous convient pas, ne l'achetez pas, c'est tout ! Le pouvoir social qu'a le consommateur est d'acheter ou ne pas acheter. Après... à lui de s'en servir ou non, mais qu'il ne vienne pas râler en disant qu'il est "obligé" d'acheter.
Le film Food Inc. (2010, oscar du meilleur film documentaire) nous le dit, d'ailleurs : "You can vote to change the system. Three times a day."
Si nous nous autorisons à faire vivre à une poule ou à un porc des choses qu'aucun être humain ne saurait endurer, c'est parce que, justement, nous prétendons que, n'étant pas des humains, ils n'ont pas la même sensibilité que nous, et que la leur est de moindre importance. Mais qu'en savons-nous au juste ? [...] N'oublions pas qu'il y a quelques dizaines d'années seulement, on pensait sérieusement que les bébés ne ressentaient pas la douleur, au prétexte que leur système nerveux était inachevé.Je ne trouve rien de plus à dire... C'est tellement vrai...
Un jour futur, un jour où on aura enfin cessé de martyriser les animaux, on regardera notre époque, et on la qualifiera de barbare.
Toute prise de conscience me semble bonne, quel que soit le degré d'action auquel elle mène.Je suis spontanément plutôt entière, et quand je fais un choix, je ne le fais pas à moitié. Mais Caron a raison : l'étincelle qui correspond à la prise de conscience est un grand pas. C'est un début. À condition bien sûr de ne pas mettre son mouchoir dessus et l'oublier.
Il ne sert donc probablement à rien d'essayer de convaincre un gros mangeur de viande de stopper complètement sa consommation. Si, déjà, il accepte de la diminuer, c'est un gros effort qu'il fournit et qui aura plus de conséquences positives pour la condition animale et le respect de notre planète qu'un arrêt brutal qu'il ne pourra pas prolonger bien longtemps.
Restons positifs !
Caroline