C'est une question. Je n'ai pas de réponse.
Chez moi, à Tokyo, le sirop d'agave est plutôt cher. Je n'en utilise jamais, lui préférant le sucre de coco dans la plupart des cas, ou le sirop d'érable lorsque j'ai besoin d'un sucrant liquide. Exit le miel depuis quelques semaines que Mathurin a choisi une alimentation végétalienne.
Mais en arrivant en France, chez mes parents, j'ai trouvé un flacon de sirop d'agave. Et c'est sans me poser de questions que j'ai commencé à m'en servir pour mes préparations sucrées (avec parcimonie toutefois, car nous avons perdu l'habitude du goût très sucré, nous contentant généralement du goût naturellement sucré des fruits que j'utilise dans mes pâtisseries crues et mes smoothies).
Bref, me voici donc pour la première fois face à face avec le sirop d'agave dont je n'entends que du bien depuis quelques années que je m'intéresse à l'alimentation saine et réfléchie, mais sans jamais vraiment m'y arrêter faute de pouvoir l'utiliser. C'est donc l'occasion d'essayer d'en savoir un peu plus sur le sujet, parce que je ne donne jamais à mes enfants un produit sans l'avoir étudié un minimum.
J'ai commencé mes recherches en trouvant ce que je savais déjà : le sirop d'agave est un sucrant naturel vegan. C'est la sève d'un cactus, l'agave bleue, de la famille de l'aloe vera. Les Aztèques l'utilisaient déjà pour ses vertus thérapeutiques et antibactériennes.
Le sirop d'agave a un pouvoir sucrant plus important que le sucre blanc avec un index glycémique très bas (15 pour l'agave, 70 pour le sucre blanc, et 85 pour le miel) car, étant composé de 90% de fructose, il ne fait pas (peu) varier le taux de glucose.
Petit rappel sur l'index glycémique : c'est la mesure de la capacité d'un aliment à élever la glycémie (taux de glucose) après ingestion par rapport à un standard de référence qui est le glucose pur.
Ce qui signifie que plus l'index glycémique de l'aliment que vous mangez est élevé, plus élevé sera le taux de sucre dans votre sang (la glycémique) après cette ingestion. Et plus le taux de sucre est élevé, plus vous risquez l'hypoglycémie quand ce taux chutera (c'est le problème du petit-déjeuner sucré : crise d'hypoglycémie en milieu de matinée, coup de barre).
Cette notion de glycémie est également très importante en ce qui concerne les enfants. N'avez-vous jamais expérimenté chez vos chers petits une crise de colère, un gros caprice sans queue ni tête, une frustration de rien du tout qui devient toute une histoire, ou carrément une crise de violence après qu'ils ont mangé, à jeun, un snack trop sucré, un bonbon ou des biscuits industriels très sucrés ? C'est ce qu'on appelle le
sugar rush : brusquement trop de sucre dans le sang, ce qui entraîne un trouble du comportement. Cela arrive souvent en fin d'après-midi... tiens tiens... après l'heure du goûter en quelque somme. On met ça sur le compte de la fatigue, des journées trop longues ? Eh bien non, c'est plutôt le type du goûter qui leur a été offert qui est à remettre en cause !
Bref.
Nous disions donc : le sirop d'agave a un index glycémique faible.
Toujours dans la série des bienfaits du sirop d'agave, il renferme du calcium, du fer, du potassium, du magnésium, et de la silice (aide à la fixation du calcium).
Vu sous cet angle, le sirop d'agave est la panacée pour les becs sucrés qui ne peuvent s'empêcher de sucrer leurs fruits, leurs yaourts, leurs smoothies etc. Et j'avoue que ça m'incite à l'utiliser les yeux fermés dans mes petites douceurs.
Sauf que mes yeux ne sont jamais complètement fermés, et je suis tombée sur un article de Jean-Marc Dupuis, de
Santé Nature Innovation, en qui j'ai confiance. Pas un article en fait, une vieille lettre d'information (2011) qui a été envoyée par email aux abonnés. Je ne trouve pas trace de cette lettre sur le site de Santé Innovation. Ceci dit, elle soulève des points qui m'interpellent, aussi me semble-t-il intéressant de vous la transcrire ici dans son intégralité. Les numéros renvoient à des réflexions personnelles qui se trouvent à la suite de la lettre.
Ne gaspillez pas votre argent avec le sirop d'érable, par Jean-Marc Dupuis (2011)
Parmi les plus grandes réussites marketing de
l’industrie agro-alimentaire ces dernières années, le sirop d’agave
pourrait gagner la médaille d’or.
Totalement ignoré du grand public (et même de beaucoup d’experts) il y a
dix ans, le sirop d’agave a conquis une place de choix dans les
magasins bio, pour partir ensuite à la conquête des rayonnages de
supermarchés, avec une fougue qui n’a jamais faibli.
Vous trouvez du sirop d’agave aujourd’hui partout dans le commerce.
Rares sont les foyers qui ne l’ont pas essayé. Des millions l’ont
adopté.
Pour quelle raison ?
Parce que les « marketeurs » qui ont lancé le sirop
d’agave ont eu l’idée de génie de le faire passer pour une substance
d’un nouveau genre, au pouvoir sucrant supérieur à celui du sucre, sans
plus d’effet sur la glycémie (taux de sucre sanguin) que l’aspartame,
donc recommandé pour les diabétiques, tout en étant entièrement
« naturel » et, bien entendu, « biologique ».
De plus, les campagnes de communication qui ont accompagné le lancement
du sirop d’agave ont habilement laissé entendre qu’il s’agissait d’un
produit traditionnel, utilisé de longue date au Mexique.
Cette opération a permis de faire avaler au consommateur le prix
exorbitant du sirop d’agave, tout en multipliant les lignes de produits
alimentaire dont il entre dans la composition : on trouve aujourd’hui
des boissons, des barres de céréales, des desserts et de nombreux autres
produits au sirop d’agave, et tout cela dans les rayons diététiques ou
bio des magasins.
Et pourtant, en réalité, le sirop d’agave n’est ni traditionnel ni bon
pour la santé.
Son index glycémique (effet sur le taux de sucre dans le sang) peut être
aussi élevé que celui du glucose pur (1). Et il n’est ni recommandé pour
les diabétiques, ni pour les personnes qui cherchent à perdre du poids
ou retrouver un équilibre alimentaire.
Qu’est-ce que l’agave ?
L’agave est une plante qui pousse principalement au Mexique, mais on
la trouve
aujourd’hui dans toutes les régions chaudes et sèches, ainsi que dans
les pays méditerranéens. La plante n’était connue jusqu’à très récemment
que comme composant principal de la tequila.
Lorsque la plante atteint l’âge de dix ans, les feuilles sont retirées,
pour extraire le coeur de la plante, qui peut peser 25 à 75 kg, et a la
forme d’un gros ananas. La sève qui se trouve à l’intérieur est extraite
et transformée en « sirop d’agave », en la faisant bouillir plusieurs
heures (2), ainsi que les Canadiens font bouillir la sève de l’érable pour
en faire du sirop d’érable.
Le produit que vous obtenez de cette manière est appelé inuline, à forte
teneur en fructose, un des pires sucres qui soit pour l’organisme (3).
Idées fausses sur le sirop d’agave
Le consommateur imagine souvent que le sirop d’agave contient peu de
calories.
C’est faux. Une cuillère à café de sirop d’agave contient 16 calories,
soit autant que du sucre.
Les diabétiques et pré-diabétiques consomment du sirop d’agave parce
qu’ils pensent que son index glycémique est faible, et que sa
consommation n’entraîne pas de pic de glycémie dans le sang.
Attention : en réalité, tout dépend de la façon dont le sirop d’agave a
été fabriqué (4). Suivant les modes de fabrication, l’index glycémique (IG)
du sirop d’agave peut varier de 55 (comme des spaghetti bien cuits) à
90, soit autant que le sucre blanc, et vous ne trouverez probablement
pas l’information sur l’étiquette (5).
Si vous êtes diabétique, il est important de savoir que très peu
d’études ont été faites sur les rapports entre sirop d’agave et diabète,
et la plupart d’entre elles ont été faites sur des rats, non des êtres
humains.
Pourquoi le fructose pose problème
Permettez-moi d’abord de clarifier un point important. Le fructose
concentré ne se trouve pas naturellement dans les fruits, ni d’ailleurs
autre part dans la nature (6). Quand on trouve du fructose dans la nature,
il est toujours accompagné d’enzymes, de vitamines, de minéraux, de
fibres et de pectine, et il est naturellement mélangé à d’autres sucres.
Le fructose concentré, lui, est obtenu par un processus de raffinement,
de façon artificielle.
Lorsque vous mangez du fructose des fruits, il est digéré dans votre
intestin en même temps que les autres composants. En revanche, si vous
consommez du fructose concentré, ou purifié, il est absorbé directement
dans votre sang et c’est votre foie qui doit faire le travail
d’assimilation.
Si vous avez bien lu ce dernier paragraphe, c’est là que vous avez la
clé du mystère qui vous explique pourquoi manger des fruits est bon pour
vous, et manger du fructose très mauvais.
Lorsque le fructose se retrouve directement dans votre foie, sans avoir
d’abord été digéré dans l’intestin, il est transformé en triglycerides
ou stocké sous forme de graisse. Il n’est pas converti en glucose
sanguin comme les autres sucres. Donc il ne fait pas monter ni
s’écrouler votre glycémie. D’où l’idée que le sirop d’agave, très riche
en fructose concentré, serait bon pour les diabétiques.
Ce n’est en réalité pas le cas.
En effet, le fructose inhibe votre niveau de leptine, l’hormone de la
satiété qui indique à votre corps que vous n’avez plus faim. En d’autres
termes, le fructose vous donne envie de manger plus. Et non seulement
il vous fait gagner du poids, mais le fructose charge votre corps de
graisse à l’endroit le plus dangereux pour votre santé : entre vos
organes vitaux et vos viscères (graisse viscérale), dans la zone du
tronc/ du ventre.
C’est ce qui a été très clairement établi par une étude de mai 2009 dans
le Journal of Clinical Investigation. (1) (7).
La conclusion : le sirop d’agave est riche en fructose, et le fructose
est mauvais pour vous (8). Le sirop d’agave n’est pas traditionnel, pas
naturel et hautement raffiné : c’est donc un aliment à éviter.
Alors que faire ?
Je vais vous donner des indications mais je suis obligé de vous dire
que, de toutes façons, quoi qu’il arrive, il faudra bien que vous vous
habituiez à manger moins sucré.
Le Français consomme en moyenne 35 kg de sucre par an (9) et c’est beaucoup
trop. Pour une alimentation saine, il ne faudrait pas aller au-delà de 8
kg par an.
Mais en attendant de prendre les décisions (forcément radicales) pour
atteindre ce niveau, plusieurs points importants doivent être rappelés :
- Evitez les édulcorants artificiels. Ils causent de toutes façons plus de tort que le sucre naturel ;
- Remplacez
le sucre dès que vous le pouvez par du miel, qui est un aliment
complexe qui se digère lentement et qui apporte à votre corps, en même
temps que les calories du sucre, de nombreuses substances bienfaisantes
pour votre système immunitaire, des antioxydants, des enzymes, des
acides aminés et des minéraux (mais attention : ceci ne doit PAS être
considéré comme une permission de consommer de grandes quantités de
miel. Comme tous les sucres, le miel doit être consommé avec
parcimonie) ;
- Avez-vous
déjà essayé la stévia ? C’est un édulcorant naturel utilisé par les
indiens Guarani du Paraguay et du Brésil. Celui-là est compatible avec
les régimes hypoglycémiques et les régimes pour diabétiques. Nous y
reviendrons prochainement dans Santé & Nutrition.
En attendant,
A votre santé !
Jean-Marc Dupuis
Mes notes personnelles :
(1) Faudrait savoir !
(2) Si l'on fait bouillir la sève plusieurs heures, le produit ne m'intéresse plus : les enzymes ont disparu et de nombreux composés nutritionnellement intéressants dans le produit brut ont été transformés par la chaleur.
(3) Je croyais au contraire que l'inuline était bénéfique pour la santé. Etant ce qu'on appelle un prébiotique, à savoir une fibre soluble qui sert de substrat aux probiotiques (la fameuse flore intestinale), je la considérais plutôt comme une amie. Mais peut-être qu'en grande quantité elle est nocive ?
(4) Voilà sans doute le noeud du problème ! Seulement, comment savoir ? Si je prends le flacon de sirop d'agave qui est dans le placard de ma maman, je ne vois nulle indication sur le procédé d'extraction et de fabrication.
(5) Là j'aimerais bien des précisions ! Parce qu'on nous dit précédemment que le sirop d'agave a un index glycémique de 15, alors qui croire ??? Forcément, les fabricants et producteurs vont nous promettre du 15, mais Jean-Marc Dupuis devrait citer ses sources d'études qui donnent un tel chiffre.
(6) Entièrement d'accord. La suite de ce qu'avance l'auteur fait donc, à mon avis, bien plus sens que ce qu'il écrit précédemment. Et c'est à partir de là que le texte m'interpelle réellement et remet en question mon opinion favorable du sirop d'agave.
(7) Je n'ai pas retrouvé la source de la note.
(8) Non ! Le fructose consommé quand on mange un fruit ne pose pas de problème. C'est le fructose pur ou "sorti de son contexte" qui devient un poison.
(9) Vrai, cf ici.
Alors, le sirop d'agave, bon ou mauvais pour la santé ?
Ma conclusion toute personnelle est que, bon ou mauvais, il vaut mieux s'en passer. Lorsque l'on consomme suffisamment de fruits, on obtient tout le sucre dont notre organisme a besoin. Qui plus est, le sucre des fruits est un vrai sucre naturel (si les fruits sont frais et non cuisinées en compote ou en confiture, bien entendu) : non extrait, non chauffé, non raffiné, non manipulé, non embouteillé, non trafiqué. Le sucre des fruits (consommé avec les fruits qui le contiennent, s'entend !) n'est pas un sucre addictif. Les personnes qui ont besoin de sucrer leurs fruits sont accros au sucre pur, qu'il soit en poudre ou en sirop, parce qu'il est reconnu que le sucre est une vraie drogue (cf. par ex. ici).
Bon, mais quand il s'agit de préparer une pâtisserie, on utilise quoi alors ? Personnellement, j'en resterai à mon sucre de coco bio. Faible index glycémique (35), anti oxydants et minéraux qui
semblent non perdus lors du processus de fabrication, température de fonte basse et point d'inflammation élevé, il est facile à utiliser dans la pâtisserie cuite ou crue. Le sucre de coco remplit également mes critères de consommation responsable : la FAO (Food and Agriculture Organization) affirme que c'est le sucre le plus durable. Son rendement est bien supérieur aux autres et il consomme moins de ressources (besoins en eau moindres par exemple).
Mais pour en revenir au sirop d'agave, je ne sais toujours pas s'il est bon ou mauvais pour la santé. Je comprends juste que ce n'est pas la panacée qu'on nous promet et, dans le doute, je préfère m'abstenir.
Et vous, que pensez-vous du sirop d'agave ?
Caroline