À la banque, quand vous dépensez plus que ce que vous avez sur votre compte, vous êtes à découvert. Vous êtes dans le rouge.
C'est ce qui s'est passé mardi dernier, 20 août 2013 selon l'ONG
Global Footprint Network : le monde avait consommé en 8 mois toutes les ressources naturelles qu'il peut produire en un an. Nous voilà donc pour le reste de l'année en déficit écologique.
Après une année à étudier la malnutrition et les problèmes mondiaux, Mathurin est toujours sensible à ces questions globales, mais c'est parfois un peu difficile de lire les articles qui y sont consacrés. Je lui ai donc expliqué les choses avec un vocabulaire qu'il peut comprendre :
Imagine que le 1er janvier, je te donne disons 10 000 yens pour toute l'année, parce que c'est ce dont tu as besoin pour vivre et c'est ce que je peux te donner. Je dis bien ce dont tu as "besoin" et non "envie", et je dis bien pour "vivre" et non "survivre".
Imagine que tu dépenses sans trop réfléchir, sans faire de calculs, et sans te demander si tu as "besoin" ou "envie" de ce que tu achètes.
Il se peut fort qu'à ce rythme, tu arrives à la date du... mettons 20 août, avec plus rien dans les poches. Plus d'argent pour terminer l'année. Et moi je n'ai plus rien à te donner.
Eh bien c'est ce qui se passe chaque année avec le monde. Au 1er janvier, la Terre nous alloue un budget, et, ce budget, ce sont
les ressources naturelles et ce que nous pouvons produire à partir de et en respectant ces ressources naturelles. Malgré cela, une poignée de gens dépensent sans compter, et sans faire de distinction entre leurs "besoins" et leur "envies". Ils ne veulent surtout pas comprendre que leurs envies empêchent un nombre de gens bien plus important de vivre, et les empêchent même de survivre.
À force de consommer en ne pensant qu'à eux (pour gagner toujours plus d'argent, ou pour leur simple plaisir), ils épuisent le budget annuel que leur a donné la Terre.
Et l'on constate que d'année en année, on atteint le "Earth Overshoot Day" (le jour où on entre en déficit écologique) de plus en plus tôt... En 1993, c'était déjà le 21 octobre. En 2003, le 22 septembre. Et cette année, le 20 août.
Cela signifie que nous sommes en train d'accélérer l'épuisement de notre planète.
Mathurin m'a alors demandé : "Et si rien ne change, qu'est-ce qui va se passer ?"
Je lui ai dit que rien qu'avec sa question, il a trouvé un début de réponse :
"si rien ne change". La réponse réside donc dans le
changement. Ou plutôt les changements, et même les petits changements. Nous DEVONS changer nos habitudes, cesser de ne penser qu'à nos nombrils. Et il y a PLEIN de manières de le faire, et d'agir à notre petit niveau individuel.
Qu'est-ce qui nous précipite dans cette situation ? Nous dépensons le capital naturel plus vite qu'il ne peut se renouveler. Nous produisons plus de CO2 que la Terre ne peut en recycler, et nous épuisons les milieux naturels, tout ça pour produire des biens de consommation qui correspondent plus à des "envies" qu'à des "besoins".
Alors que changer, à notre niveau individuel, pour que ça change au niveau global ? Dire non. Non à la surconsommation (acheter avec sa conscience et pas ses tripes : réfléchir encore une fois à cette distinction entre besoin et envie). Dire non aux aliments industriels qui nous tuent à petit feu. Dire non au gaspillage. Car oui, tout cela peut se faire à la maison, en famille - ou en situation, au supermarché par exemple.
Enfin, l'ONG le dit : manger (donc produire) moins de viande est également l'une des solutions pour inverser le processus de destruction écologique.
L'empreinte écologique, c'est la superficie nécessaire pour produire ce dont a besoin une population donnée. Or on le sait, les élevages prennent énormément de place, pas tant physiquement, que par leurs besoins alimentaires : aujourd'hui, plus des 3/4 des terres arables de la planète sont consacrés au bétail, en cultures de céréales qui iront nourrir des bêtes qui finiront dans l'assiette d'une poignée de happy few. Et pourtant, 1 hectare de bonne terre peut subvenir aux besoins de 30 personnes si on y cultive des végétaux. La même superficie utilisée à des fins de production animale (lait, œufs, viande) ne nourrit que 10 personnes.
Il faut donc 3 fois plus de place pour nourrir des mangeurs de viande que des mangeurs de végétaux. Mais voilà, notre Terre n'est pas élastique, et nous en arrivons à cette fameuse date du "Earth Overshoot Day", à ce dépassement budgétaire, on est dans le rouge.
Bien sûr, on n'est pas en déficit écologique uniquement à cause de la production carnée. Mais je veux dire que, comme elle en est en partie responsable et qu'on a toujours le choix au moment de faire ses courses, on peut
agir directement à ce niveau-là sans doute plus facilement que sur l'effet de serre* ou l'érosion des sols.
Et maintenant, il y a urgence.
Caroline
* En cessant de consommer de la viande, on limite même les gaz responsables de l'effet de serre ! D'après la
FAO (Food Agricultural Organization), les élevages sont responsables de plus de 18% de ces gaz nocifs : le méthane des fameux pets et rots des bovins, la fermentation de leurs déjections, mais aussi l'azote des engrais chimiques utilisés pour la production de leur nourriture, le gaz carbonique rejeté lors des transports de ces pauvres bêtes... Les élevages polluent donc plus que l'ensemble des transports de la planète (responsables de 14% des gaz à effet de serre) !